Il y a soixante-treize ans à Thil :
la bataille de l’Arsenne
Le 31 juillet 1944, des troupes allemandes renforcées de la milice, investirent la zone autour de l’abbaye de sainte Marie du Désert et du château de l’Arsenne. Depuis plusieurs semaines, l’atmosphère était électrique dans la région (la libération de Toulouse n’interviendra que le 20 août) . Des groupes de résistants se manifestaient de plus en plus ouvertement, dans l’attente de la déroute de l’occupant, que l’on devinait proche. Une unité de maquisards cantonnait dans les bois du comte d’Orgeix, à proximité de l’abbaye, agissant probablement sur renseignements, les troupes d’occupation décidèrent une opération de nettoyage sur Thil et Bellegarde.
Les allemands arrivèrent vers minuit, scindés en trois groupes venant de Caubiac, de Bellegarde et de Thil, où ils s’arrêtèrent pour demander leur chemin ? Ils investirent l’ensemble du secteur et vers quatre heures du matin le combat commença ? Les résistants, surpris, leur système d’alerte mis en défaut, eurent cependant pour la plupart

le temps de fuir par le chemin creux de Saint Albert vers Garac. Une vive fusillade, accompagnée d’éclats de grenades, se produisit aux alentours du château de l’Arsenne et de l’abbaye. Deux officiers du maquis, le capitaine Camus et le lieutenant Voisin, chefs du groupe de résistant de l’Arsenne, arrivés vers 4h30 à proximité de Sainte Marie, sont abattus à la mitraillette et achevés froidement. Les balles sifflent et les vitraux de la chapelle volent en éclats. Au château de l’Arsenne, la porte est forcée et le comte d’Orgeix

immédiatement abattu ; son corps sera jeté dans un puits. Son fils, plus alerte, réussit à se dissimuler plusieurs heures dans les broussailles et à prendre la fuite dans les bois environnants.
La grande confusion et le pillage
On entend crier dans les taillis » Hier deutschen « , cri de reconnaissance poussé par les groupes allemands qui s’entretuaient ; Il règne une grande confusion. Dans l’après-midi les soldats quittent enfin l’Arsenne et le calme revient. Les deux officiers défunts sont transportés dans la chapelle des pèlerinages ; leurs obsèques auront lieu le lendemain.
Les mardi 1er et mercredi 2 août les allemands reviennent avec de nombreux camions ; on distingue aussi deux ambulances pour évacuer les morts. Ils pillent complètement le château avant de le faire sauter et de l’incendier ; le 2 août, on aperçoit aucun mouvement autour du château, mais vers midi on entend des explosions très fortes et le feu apparaît dans le parc ; une fumée intense s’élève bientôt dans le ciel.
Après de nombreuses libations, les attaquants vont au monastère voisin, à la recherche de réfractaires (trois israélites y était cachés) et brutalisent les religieux. Après un interrogatoire serré et l’examen des papiers ne remarquant rien d’anormal, ils s’en vont vers 17h30 au soulagement général en s’emparant d’une » traction » trouvée au garage.
Plus tard, des Thilois se risqueront sur les lieux du drame : du château, il ne restait que quelques pans de mur noircis par la fumée, seule la petite chapelle était moins maltraitée que les autres locaux ; on y retrouva quelques chandeliers et une image pieuse. En ce lieu désolé, seules quelques poules errent à l’abandon, dans un décor de mort. Ce n’est que quelques jours plus tard, le 18 août, qu’un voisin et ami, Paul David, retrouva le corps du comte d’Orgeix au fond du puit où il avait été précipité par ses assassins.
Le temps de la mémoire
Cette tragédie heureusement unique dans nos annales, s’est déroulée il y a 73 ans. Le souvenir en est resté vivace dans la mémoire des nombreux Thilois, encore présents aujourd’hui, qui y ont assisté dans leurs jeunes années. Elle méritait d’être retracée, pour que cette mémoire vouée à disparaître, se perpétue aux générations suivantes et que le sacrifice de ces victimes ne tombe pas dans l’oubli.
Michel Comby